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LA SARDINE, une richesse historique du terroir

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Prisée dans tout le bassin méditerranéen et sur nos côtes atlantiques, la sardine est une richesse naturelle du littoral marocain qui, pour son excellente qualité, s’est vue devenir un important levier économique de la Région Souss Massa, tout autant qu’un patrimoine gastronomique aujourd’hui renommé dans le monde. Sa notoriété est en partie liée à l’activité de conserverie industrielle qui, en France, a fêté son deuxième centenaire il y a peu. C’est en effet sur les côtes de Bretagne et de Vendée, tandis que le secteur connaissait une crise, au lendemain de 1914, que l’idée vint de se tourner vers d’autres horizons dotés d’une ressource et d’une main-d’œuvre moins onéreuses. Bénéficiant d’une situation géographique idéale, Agadir fut ainsi le lieu de prédilection d’industriels français décidés à se délocaliser loin des pénuries et des restrictions causées par les deux guerres mondiales. Un nouveau jour se levait pour l’industrie de la sardine à Agadir.

LES CONSERVERIES DU QUARTIER INDUSTRIEL

À partir de 1947 et en l’espace de trois ans, Agadir connut donc une arrivée massive de groupes industriels célèbres, désireux de s’installer dans cette nouvelle destination sardinière en vogue, riche de perspectives. Mais cette course providentielle à l’investissement eut pour conséquence de faire grimper les spéculations autour du foncier réservé à l’industrie dans le plan d’urbanisme. Pour y remédier, la Municipalité d’Agadir trouva le moyen de mettre à la disposition des industriels d’autres terrains propices à leur implantation. Un nouveau lotissement de 180 hectares fut ainsi créé en 1948 : le Quartier Industriel. En 1954, plus de 70 usines de poisson exerçaient déjà dans ce quartier, en comptant les unités de conserves, de salaison et de fabrication de sous-produits.

Après le séisme de 1960, plusieurs conserveries changèrent d’activité ou de statut et plusieurs d’entre elles furent déplacées dans de nouvelles zones industrielles décentrées, comme celle d’Aït Melloul. Peu de bâtiments d’usines datant de cette époque sont encore exploités au Quartier Industriel regagné par l’extension de la ville et l’urbanisation.

DE LA SALAISON À L’APPERTISATION

De par la situation maritime d’Agadir, une activité de commercialisation de poisson existait déjà avant 1940. Afin d’être conservé et revendu sur les étals des souks de la région, ce dernier recevait alors un traitement artisanal de cuisson, séchage, salaison ou friture dans des fours mis à la disposition des pêcheurs à Taghazout. Au niveau de la Madrague de pêche au thon de Bou Irden, une activité de pêche traditionnelle à la sardine se pratiquait. Thons et sardines étaient en partie traités sur place, soit pour la conserve en boîte, soit pour la salaison. Tous les résidus étaient transformés, dans l’usine toute proche, en farine de poisson ou en guano utilisé comme engrais. Le poisson qui ne pouvait être traité sur place était acheminé vers les conserveries de poissons d’Anza. Efficace, le procédé de salaison fut adopté par les premiers ateliers d’Anza, avant le développement massif de l’appertisation à Agadir. (http://mfd.agadir.free.fr ) (Agadir Première n°32)

L’ARCHITECTURE ÉLÉGANTE DES USINES D’AGADIR

Bien que peu subsistent à l’heure actuelle au centre-ville pour en témoigner, les usines et conserveries du Quartier Industriel arboraient une architecture caractéristique de leur époque et, pour beaucoup, assez similaire. Nombre d’entre elles, en effet, étaient l’œuvre de la Société Marocaine des Entreprises Truchetet, Tansini et A. Dodin, entreprise spécialisée dans les travaux publics et particuliers, installée au Quartier Industriel.

Déployant une signature architecturale aux lignes voûtées et spacieuses, la société se présentait comme « une entreprise spécialisée proposant des constructions élégantes, de réalisation rapide. » Également à l’origine de plusieurs constructions d’usines à Safi, la Société Marocaine des Entreprises Truchetet, Tansini et A. Dodin comptait, vers 1949, une belle liste d’usines de poisson modernes à son actif au Quartier Industriel et à Anza.

LES BATEAUX SARDINIERS DU PORT D’AGADIR

L’activité de salaison eut pour conséquence de voir se constituer une flottille de bateaux de pêche artisanale de faible tonnage, qui, en 1942, atteignait 16 sardiniers et plus de deux-cents canots de pêche.

UNE DES PREMIÈRES INDUSTRIES SARDINIÈRES DU MONDE

Dans ses Cahiers d’Outre-Mer de 1972, Jean Domingo, Maître de conférences universitaires, décrivait la conserve de poisson comme étant devenue la troisième industrie exportatrice du Maroc, tout en soulignant le caractère capricieux et saisonnier de la ressource, conditionnant déjà l’évolution du secteur.

Au regard des chiffres de la Fédération de la Conserve du Maroc, la production de conserves de poissons affichait la prééminence des conserves de sardines sur les autres espèces, en particulier le thon et les maquereaux, sans parler des anchois, plus négligeables. Ainsi, pour la campagne 1969-70, un total de 1.978.440 caisses de 100 boîtes de sardines étaient produites, contre un total de 65.177 caisses de 100 boîtes pour le thon. La prédominance de la sardine s’affichait dès les premières années de son exploitation industrielle. En 1932, elle fournissait déjà 86% du poisson absorbé par les conserveries marocaines. Spatialement, Safi et Agadir concentrait l’essentiel de la production nationale avec, respectivement, 57 et 31% du total de la production en 1969-70.

De manière plus générale, les exportations du Maroc en conserves de sardines, pour lesquelles le Maroc détient une position de leader sur le marché mondial, sont réparties entre plusieurs pays de l’Union Européenne (France 11% des exportations totales, Allemagne 7% et Espagne 6%) et les États-Unis (5%). Concernant le marché africain de conserves de sardines, les exportations marocaines occupent la première place, loin devant l’Indonésie.

(www.finances.gov.ma – Études DEPF, Avril 2015)

SARDINA PILCHARDUS WALBAUM 1792, LA SARDINE MAROCAINE

Bénéficiant d’un double littoral, atlantique et méditerranéen, le Maroc possède un stock important de ressources halieutiques. De son nom scientifique Sardina pilchardus Walbaum 1792, la sardine marocaine est une des espèces de petits pélagiques les plus représentatives de l’ichthyofaune du pays et représente un fort pourcentage de son activité de pêche.

Toutefois, les industriels conserveurs se sont confrontés à des problèmes récurrents : la saisonnalité de la pêche à la sardine, dont la haute saison s’étend de juillet à décembre, et l’irrégularité de la ressource dans les eaux d’Agadir, cette dernière évoluant d’un bout à l’autre de la Zone A (32°N-29°N) qui correspond à une aire s’étendant entre Safi et Sidi Ifni, au gré des courants froids et des périodes de reproduction. Ces particularités poussèrent les conserveurs à compenser l’absence ponctuelle de poisson en élargissant leurs activités aux conserves végétales et autres produits du terroir, ainsi qu’aux produits résiduels, transformés en huiles et farines de poisson (http://mfd.agadir.free.fr ) (www.onp.ma) (http://www.fao.org )

Selon l’étude de Souad Kifani et Francis Gohin, respectivement de l’Institut Scientifique des Pêches Maritimes de Casablanca et de l’IFREMER de Brest, les variations de disponibilité de la sardine du stock central, le long des côtes atlantiques marocaines, seraient directement liées à l’activité de remontée des eaux (upwelling) du courant des Canaries, dépendant des hautes pressions des Açores et des vents alizés qu’il engendre. Par exemple, quand l’activité d’upwelling est réduite, la disponibilité de la sardine augmente dans l’aire de pêche de Safi, au détriment de celle d’Agadir.

LA FÊTE DE LA SARDINE AU MAROC

En 2014, le Ministère de l’Agriculture, de la Pêche Maritime, du Développement Rural et des Eaux et Forêts a lancé la première édition de la « Fête de la Sardine » qui a pris place fin août dans plusieurs villes côtières du Royaume, dont Taghazout. Cet événement a été créé pour faire la promotion du poisson vedette de la pêche et de la production halieutique marocaine. Cette célébration est venue renforcer un dispositif promotionnel lancé par l’Office National des Pêches (ONP) dans le cadre de la stratégie marketing institutionnelle pour la promotion des produits de la mer au niveau national baptisée « Hout Bladi », stratégie déclinée du Plan Halieutis. Célébré sur cinq jours, cet événement convivial a été organisé à plusieurs reprises sous forme de village avec expositions, dégustations et animations. www.agriculture.gov.ma

LE PLAN NATIONAL HALIEUTIS

En 2009, le Maroc a insufflé une nouvelle dynamique au secteur halieutique à travers le lancement du plan HALIEUTIS par Sa Majesté le Roi Mohammed VI, que Dieu L’assiste. Ce plan national a pour ambition de répondre aux normes de plus en plus exigeantes de la mondialisation et d’assurer la durabilité du secteur des pêches maritimes à travers la préservation de la ressource halieutique pour les générations futures, sa performance à travers un secteur outillé et organisé pour une qualité optimale, du débarquement à la commercialisation, et sa compétitivité par une production valorisée sur les marchés porteurs. www.anda.gov.ma/fr/stratégie-halieutis

Dans la lignée du Plan Halieutis, un salon international du même nom a été créé en 2011 à Agadir où s’est tenue la première édition. Avec pour ambition de mieux faire connaître les atouts et potentialités halieutiques du Maroc, le Salon Halieutis se veut une véritable vitrine des métiers de la pêche maritime, de l’aquaculture et de la valorisation des produits de la mer au niveau national et international. www.salonhalieutis.com

GASTRONOMIE MAROCAINE AUTOUR DE LA SARDINE

Véritable patrimoine immatériel du pays, la cuisine de la sardine tient une place particulière dans la gastronomie marocaine, surtout dans les villes du littoral maritime où elle est pêchée. Il y a d’abord l’incontournable « Chowaya de sardines », savoureuse grillade cuite sur le brasero traditionnel en terre cuite « mejmar », les tout aussi délicieuses sardines « chrikate », littéralement « associées », que l’on cuit deux par deux à la poêle, puis les sardines « fel farane », passées au four en marinade « charmoula » et accompagnées de légumes, sans oublier le traditionnel tagine de boulettes de sardines, où ces dernières sont hachées en « kefta » et agrémentées d’herbes et d’épices. Conscients de la popularité de ces recettes du terroir, de nombreux industriels conserveurs s’en inspirent aujourd’hui pour personnaliser leurs produits et séduire le palais des consommateurs d’ici et d’ailleurs.

Avec plus de 3500 km de côtes maritimes, le Maroc a fait du secteur de la pêche un des piliers de son économie. Les poissons pélagiques, en particulier la sardine, tiennent une place de choix au cœur de la production halieutique nationale.

En 2017, le Département de la Pêche Maritime du Ministère de l’Agriculture, de la Pêche Maritime, du Développement Rural et des Eaux et Forêts, a publié un rapport de statistiques détaillées, nommé « La mer en chiffres », qui offre un tour d’horizon précis sur l’activité et plus particulièrement sur l’industrie de la sardine. On y découvre ainsi que, pour l’année 2017, la capture nationale de sardines en pêche côtière et artisanale totalisait 943.288 tonnes pour un montant total de 1.922.237 KDH (milliers de dirhams). Au niveau des exportations, les conserves de sardines ont atteint 147.460 tonnes pour un montant total de 4.488 MDH, avec une prédominance de l’Union Européenne et de l’Afrique parmi les marchés importateurs. En termes d’unités de transformation de poisson, Agadir s’est placé, la même année, en tête du top cinq des ports du Royaume avec 85 unités, dont 12 dédiées à la conserve. www.mpm.gov.ma

Il est à noter qu’en 2020, malgré la pandémie de Covid-19, la production nationale a maintenu un rythme satisfaisant, à même de fournir un approvisionnement normal du marché national en conserves de sardines. www.agriculture.gov.ma

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