UN PRODUIT PHARE DES EXPORTATIONS AGRICOLES RÉGIONALES
Sur la route qui mène d’Agadir à Taroudant, de luxuriants vergers d’orangers font une haie d’honneur. À la croisée de l’Océan Atlantique et des montagnes de l’Atlas, la fertile Vallée du Souss offre en effet un climat idéal pour les agrumes qui ont trouvé là leur jardin d’Éden. Si oranges et clémentines recouvrent en abondance les étals des marchés locaux, elles sont aussi célèbres pour leur succès à l’export, notamment auprès des consommateurs du continent européen, premier importateur de l’orange marocaine. Si l’histoire du Royaume avec l’orange n’a pas plus d’un siècle, ce fruit aux couleurs de soleil et son losange estampillé «Maroc» a su se faire ambassadeur des richesses naturelles de notre pays par-delà les frontières.

AU SIÈCLE DERNIER
Originaire d’Asie du Sud-Est, l’oranger a été introduit au Maroc il y a moins d’un siècle. Un article de juillet 1949, paru dans la revue «Le Chasseur Français», relate l’analyse visionnaire d’André Gaujard (extrait) : «Le Maroc est un pays neuf. … Chaque année, des centaines d’hectares nouveaux sont plantés en agrumes (oranges, mandarines, clémentines, citrons et pomelos). Mais c’est surtout sur les orangers que l’effort s’est porté. Pour la saison 1947-1948, la production pour le Maroc a été de 55.000 tonnes… Pour conclure, disons que les plantations d’agrumes au Maroc sont certainement appelées à un grand avenir … le commerce intensif en fera une des plus belles richesses de ce pays…»

LA RÉGION, CHAMPIONNE DES AGRUMES
L’agriculture, secteur économique phare de la Région Souss Massa, fait la part belle à la production d’agrumes. De par ses conditions idéales à leur culture, la région domine les autres territoires du Royaume en termes de volume d’exportation. Les dernières années ont en effet vu un développement important du secteur, notamment grâce à une irrigation localisée pour économiser l’eau et améliorer la production, par l’introduction de nouveaux porte-greffes, par l’introduction de nouvelles variétés allongeant la période de production et d’exportation et par la densification des plantations.
UN CASTING RIGOUREUX
Seules les plus belles seront les candidates au voyage. Un conditionnement sérieux prépare les oranges et clémentines à l’exportation. Calibrées, douchées, séchées, cirées, contrôlées… Elles sont ensuite soigneusement rangées dans des cagettes en carton par des mains habiles. Une station de conditionnement ressemble à une grande ruche où chacun s’affaire selon son expertise. Le fascinant bal des machines, les gestes sûrs des ouvrières… Le tout s’assemble en une fantastique chorégraphie que rien ne semble pouvoir arrêter. En route vers leur destin, des milliers de boules oranges font la course sur les tapis roulants, avant de prendre place dans des alvéoles où elles patienteront, sagement, jusqu’à leur destination. Mention spéciale pour les cagettes réutilisables en plastique des pays scandinaves.
LES VARIÉTÉS VEDETTES
Découverte par le Père Clément en Algérie au siècle dernier, la clémentine, petit agrume au goût prononcé et savoureux, remporte tous les suffrages. En région Souss Massa, comme dans le pays tout entier, les petits agrumes sont, de loin, les plus exportés et les plus consommés, notamment les Clémentines Nour et Nador Cott, mais aussi l’Ortanique et la Nova. Chez les oranges, la préférence porte sur la Navel, la Salustiana, la Sanguine et la Maroc Late. Ces variétés sont cultivées en fonction du climat régional et de l’avancée de la saison.

ANECDOTES D’ICI ET D’AILLEURS SUR L’ORANGE
LES ORANGERIES ARISTOCRATES
Considérée comme un symbole de pouvoir en Europe, notamment en France, l’orange a été, pendant longtemps, un fruit de luxe. Pour obtenir cet agrume d’hiver normalement cultivé dans les régions chaudes, la noblesse et l’aristocratie du XVIIe siècle, sous le règne de Louis XIV, faisaient construire d’immenses bâtiments clos, dotés de vastes fenêtres et d’un chauffage, dans lesquels les oranges, plantées dans des bacs, étaient abritées du gel pendant la froide saison. Ces abris étaient nommés orangeries. L’orangerie est à distinguer de l’orangeraie qui désigne une plantation d’orangers. Ces grandes bâtisses de l’époque, par leur extravagance, représentaient la touche d’exotisme qui consolidait la puissance de la classe aristocratique. En témoignent l’Orangerie du Château de Versailles, le Musée de l’Orangerie à Paris…

L’ORANGE DANS NOS VIES
Symbole de fête, de sucre, de bonheur, l’orange est, au Maroc, intimement liée à tous les moments de la vie, dans les grands festins comme dans la simplicité du quotidien : tranches d’oranges à la cannelle, carottes au jus d’orange, kiosques buvettes en forme d’orange… Les citoyens du Maroc sont en effet les premiers à profiter de la splendide production d’agrumes du pays. Après avoir séduit la Chine, l’Inde et tout le pourtour méditerranéen, la fleur d’oranger est devenue une fragrance signature du Maroc. Salles de mariage et grands hôtels aiment accueillir leurs hôtes sous cette délicate senteur. L’eau de fleur d’oranger donne aussi un goût inoubliable aux cornes de gazelles et autres petits fours traditionnels.

SOUS D’AUTRES CIEUX
En Europe, au milieu du siècle dernier, l’orange était si précieuse qu’en recevoir une à Noël était un cadeau merveilleux qui faisait rêver les petits comme les grands. Rien n’était perdu. L’orange était lentement savourée tandis que ses pelures, étalées sur le poêle brûlant, parfumaient la maison de leur senteur acidulée… Le 6 décembre, la Saint-Nicolas est, en Europe du Nord, une tradition toujours pérenne où l’on offre des oranges et du pain d’épices aux enfants. La création de la «pomme d’ambre» fut inspirée par le retour des croisés de leurs expéditions en Orient où l’aromathérapie était courante. La pomme d’ambre est une orange piquée de clous de girofle pour assainir l’air et éloigner insectes et maladies. Elle est encore très appréciée dans les foyers pour son parfum et son aspect décoratif.

LA FÊTE DES ORANGES D’AGADIR
En 1958, Agadir avait sa Fête des Oranges. Extrait du récit de cette belle initiative : «Les autorités de la Ville et de la Province décidèrent d’organiser une grande semaine de festivités, la «Semaine Merveilleuse d’Agadir», du 27 avril au 4 mai 1958 … Des commissions travaillèrent à l’élaboration du programme sur le thème de l’Orange «la belle fille du Souss» pour que «toutes les productions, toutes les corporations, le commerce, l’industrie, la jeunesse, les sports et le magnifique folklore de cette vallée» soient représentés et chantés dans une semaine de liesse» … «Trois arcs de triomphe furent mis en place sur les boulevards, ainsi qu’un magnifique réseau d’éclairage … La plus importante des sorties fut celle prévue à l’occasion de la «Fête des Oranges» aux Ouled Teïma …» (Journal Agadir 1958)

LA SEMAINE MERVEILLEUSE DE 1958
« Le Prince Héritier Moulay Hassan arriva à bord de son avion personnel le vendredi en fin de matinée … Il visita l’Exposition économique du Marché Central de la Ville Nouvelle et assista au défilé des chars du Corso qui fut déplacé pour cette occasion. Le Corso, avec le défilé des chars faits d’oranges, attira de nombreux spectateurs qui purent goûter au jus d’orange conservé dans des citernes à l’intérieur des chars ou servi par des traditionnels porteurs d’eau. L’élection de Miss Orange et le bal de clôture eurent beaucoup de succès. Un feu d’artifice mit un point final à la « Semaine Merveilleuse d’Agadir » (Journal Agadir 1958). » « En 1959, la Fête de l’Orange fut tout aussi belle avec ses personnages vêtus d’orange, les décorations de la ville et les défilés du Corso. » (mfd.agadir.free.fr/vilnouv/evenements/orange)
QUAND L’ORANGE INSPIRE L’ART
L’orange inspirait déjà les affichistes des années 50. Une de ces affiches anciennes se nomme « l’Orange d’Afrique du Nord ». Elle est l’œuvre de l’Artiste Roland Ansieau (1901-1987), connu pour son style graphique art déco du début du XXe siècle. Rassemblées par le collectionneur Abderrahman Slaoui, les affiches anciennes peuvent s’admirer au Musée Abderrahman Slaoui de Casablanca. Des reproductions sont également disponibles à la vente, ainsi qu’un livre «L’Affiche Orientaliste» édité par Malika Editions, avec plus de 200 affiches anciennes sur le Maghreb et le monde arabo-musulman. (http://www.musee-as.ma )
